• Le choc d'une lame

    C’est la fin de l’été. Les journées raccourcissent, et les soirées se font plus fraîches. Mais qu’importe, il lui faut sa dose de nicotine. Ah chère cigarette, quand tu nous tiens… Les volutes de fumées brisent la noirceur de la pénombre régnante. Ce sont les exclus temporaires de la dépendance.

    Le parking est bien rempli, la soirée bat son plein. Il y en a même qui font encore la queue dehors. Emeric s’accorde une pause avec un collègue.

    « Super soirée hein ?

    -  Carrément, il devrait y en avoir plus souvent. »

    Les deux compères profitent de ce moment de répit. Le monde de la nuit, c’est leur refuge. On ne travaille pas dans ce milieu, on prend seulement du plaisir.

    Le temps d’une seconde, Emeric croit apercevoir une silhouette suspecte sur le parking.

    « Attends je vais voir. Je ne voudrais pas qu’il y ait d’la casse ».

    Il descend, zigzague entre les voitures, scrute les allées. Et là, il repère un mec en train de forcer une serrure. Il se rapproche et l’invective :

    « Oh qu’est-ce que tu fous ? »

    Il a juste le temps de l’attraper par le collet. Le voyou fait volte face et une baston s’amorce. Soudain, il ressent un contact froid dans sa chair. Il baisse les yeux et voit une lame s’enfoncer dans ses côtes. Cette dernière arrive en butée, mais elle aimerait s’enfoncer davantage, tout détruire sur son passage. Du coup elle se contente de faire des va-et-vient tout aussi dévastateurs. Dans un ultime effort, Emeric se dégage de cette étreinte et assène au gars un violent coup sur la tempe. L’inconnu titube sous l’impact et finit par foutre le camp.

    Emeric s’écroule contre une bagnole. Il a le souffle court et il souffre ; la plaie saigne abondamment. Son pote, inquiet de ne pas le voir revenir, le cherche, l’appelle. Au bout de quelques minutes, il le retrouve affalé, presque sans connaissance. Il lui tapote les joues :

    « Hey t'endors pas ! Je vais te conduire à l’hosto.

    - Non, tout sauf l'hosto. S'te plaît...

    - Pourquoi ? T’as vu la plaie que t’as ? J'arriverai jamais à recoudre ça !

    - J'te rappelle qu'on n'est pas tout clean. Même si ça n'a pas de rapport, j'ai pas confiance en les condés.

    - Ok. Tu te sens de grimper sur une moto ?

    - T’inquiètes pas pour ça, j'vais me cramponner. »

    Emeric attend que son ami revienne avec sa moto. Ce dernier lui fait un garrot de fortune, le relève tant bien que mal, et tous deux grimpent sur la bécane. Ils roulent à vive allure, passant par des routes peu fréquentées pour éviter d’éventuels contrôles. Emeric préfère qu’ils aillent directement chez lui ; il a le matériel nécessaire pour les premiers soins. Au moment d’ouvrir la porte, ses dernières forces l’abandonnent et il s’écroule sur le sol. Son ami le porte dans sa chambre, le déshabille. Il fouille dans les placards, prend des compresses, du désinfectant et tout ce qui pourra être utile. Il commence par essuyer le sang coagulé. Il donne à Emeric un torchon à serrer dans sa bouche pour éviter de crier. Au contact du désinfectant, les muscles d’Emeric se contractent tellement que ça se remet à saigner. Au bout d’un bon quart d’heure qui a paru une éternité, la pression se relâche, un soulagement se fait sentir.

    « La blessure est moins profonde qu’il n’y paraît. Ça devait être un p’tit canif. Des strips feront l’affaire le temps de la cicatrisation. T’as vraiment eu de la chance mec.

    - Ouais grave. Merci pour ton aide. Et puis on n'aura pas d'ennuis. T’as géré comme un pro.

    - Fin bon, j’suis pas rassuré quand même. C’est bon, le bandage ne te serre pas trop ?

    - Non ça va le faire.

    - Qui c’est qui va te le changer ? Je ne pourrais pas venir tous les jours…

    - T’inquiètes, je vais me débrouiller. J’en ai vu d’autres.

    - Ok, tu me tiens au courant quand même.

    - Evidemment, t’es mon héros d’un soir. Ça s’oublie pas ce genre de choses. »

    Une fois seul, Emeric essaye de se redresser. Mais il est encore trop fragile. Il essaye de se caler confortablement dans son lit. Il ne mettra pas longtemps à s’endormir.

    Le lendemain, ce sont les tiraillements de sa blessure qui tirent Emeric de son sommeil. Il aperçoit du sang sur le bandage. « Merde, va falloir que je le change. » Tout doucement, avec des gestes lents, il déroule la longue bande. Le résultat n’est pas mieux ni pire qu’hier. Le principal c’est que ça ne s’infecte pas. Il reproduit les mêmes gestes que son ami. Après tout ce petit remue-ménage, il se lève et fouille dans ses tiroirs.

    « Putain où est-ce que je les ai foutues ?... Ah les voilà. Avec ça je vais me refaire une santé vite fait bien fait ». Il sort un petit flacon rempli de pilules miracle : ses chères et tendres amphétamines. Il s’en enfile deux d’un coup. A-t-il vraiment besoin de cela pour oublier sa douleur ? Est-il conscient qu’il met sa santé en jeu ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui c’est un plaisir, mais demain ? Il est loin d’imaginer dans quel engrenage il vient de mettre les pieds.

     

    LittleShadow

    « Te souviens-tu ?Self-control du manque »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :